Comment se lancer dans une activité artisanale indépendante en évitant les désillusions ?
Donatella Fermo est installée depuis douze années en tant que créatrice et formatrice culinaire et aussi gérante d’un gite. Elle nous éclaire sur la nécessité d’être lucide pour envisager sérieusement une création d’activité indépendante loin de l’image d’Epinal.
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Donatella Fermo est installée depuis douze années en tant que créatrice et formatrice culinaire et aussi gérante d’un gite. Elle nous éclaire sur la nécessité d’être lucide pour envisager sérieusement une création d’activité indépendante loin de l’image d’Epinal. Au-delà de l’imagination, la réalité des porteurs de projets qui souhaitent se lancer dans des activités de service, artisanales ou agro-écologiques est semée d’embuches et d’obstacles qu’il est possible de limiter en préparant son projet soigneusement et en se faisant accompagner par des professionnels.
Objectif d’autosuffisance ; passer du rêve à la réalité !
Je reçois de nombreuses personnes et notamment des jeunes qui sont séduits par des projets d’installation à la campagne. Ils sont désireux d’être autosuffisants. Il faut définir ce que l’on entend par autosuffisance. L’autosuffisance a une signification large et à la fois très propre à celui qui l’emploi. C'est un discours complexe ! Je pense que l'autosuffisance est possible quand on peut dédier tout son temps à la réaliser, sans autres exigences ni nécessités. C'est une façon d'être et de concevoir la vie qui peut être vue selon des perspectives différentes. Concrètement, l’autosuffisance alimentaire pour ses besoins personnels est difficile surtout dans le cas du jardin pour quelqu’un qui suit un régime végétarien avec un besoin de beaucoup de légumes.
Se couper totalement du monde est utopique dans notre société, parce que l’homme est l’homme et qu’il a des besoins sociétaux. En revanche, réduire sa consommation extérieure et les produits et services externes est effort constant, et il y a toujours plus à faire. La création d’une activité indépendante ne peut se soustraire totalement aux échanges économiques avec le monde. J’en ai fait l’expérience dans mon activité culinaire, je nourrissais ce rêve de cultiver mes propres produits. Et je suis arrivée à des équations impossibles à tenir. Pour réaliser une cuisine professionnelle et répondre aux besoins de ma clientèle, j’ai du très vite faire le choix de fournisseurs.
Faire des choix favorables à votre longévité et à votre organisation
En cuisine professionnelle, comme pour beaucoup d’autres activités, le temps est un facteur essentiel. La profession ne s’exerce pas avec la réalisation d’un potager soi-même. La photographie du grand cuisinier au milieu de ses productions doit s’observer avec réalisme… des jardiniers oeuvrent bien évidemment à sa place pour en réaliser l’entretien au jour le jour, pendant qu’il cuisine ! Vous pouvez bien sur cultiver quelques fruits et légumes. Mais vous constaterez rapidement que la gestion du temps est un facteur clé pour une activité professionnelle qui recherche une durabilité économique.
Gérer son temps pour réussir dans l’entrepreunariat
Il est nécessaire de bien réfléchir son activité en capacité de temps, en volume de produits bruts nécessaires et aussi en faisabilité physique. Pour ce qui est de mon activité, j’ai dû réorienter mes priorités et réduire le service de table d’hôtes pour me consacrer aux prestations culinaires pour des groupes, plus rémunératrices. J’ai aussi sélectionné des maraichers locaux selon la disponibilité et les quantités de produits qu’ils peuvent m’apporter, tout en gardant une bonne qualité. Pour des repas de plus de 20 personnes, j’ai en effet besoin de partenaires à proximité qui soient réactifs sur ces critères.
Je dois aussi être très vigilante à ne passer mon temps à courir la campagne pour trouver les aliments dont j’ai besoin. En permanence, vous devez être gestionnaire et vigilant au temps que prennent toutes les tâches que vous devez accomplir et vous consacrez à celles qui vous offrent de la valeur ajoutée.
Pas de place à l’improvisation mais beaucoup de passion et d’agilité
Mener une reconversion professionnelle est une expérience formidable. J’ai pris des risques en souhaitant m’implanter dans une région charolaise où la culture culinaire est éloignée de la gastronomie végétarienne. C’est la passion qui m’alimente tous les jours. J’ai des résultats avec des clients qui me font des retours très positifs. Un projet professionnel est une aventure avec ses hauts et ses bas et c’est la passion qui fait face au découragement.
Le professionnalisme est aussi un gage de réussite. N’oubliez pas que vos revenus dépendront uniquement de vos savoir-faire et de la qualité de vos prestations. Le succès arrive si vous êtes préparés, formés et si vous délivrez des produits et services impeccables. Les revenus d’une activité artisanale dépendent aussi fortement de la saisonnalité et diffèrent sérieusement de ceux du salariat. Donc vous devez être agiles pour trouver des sources de revenus variées en fonction des saisons et gérer votre budget sur l’année entière. Savoir se remettre en cause et toujours continuer à se former vous permettra de faire durer votre projet.
Propos recueillis par Céline Leeman-Broyer